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dimanche 3 avril 2011

Cours modeste # 2 (série Musique) Britten,Barder et Ravel : Communication d'Axel

Cours modeste # 2 Britten Barber et Ravel

Ce deuxième cours modeste (le premier dans la série « Musique ») est organisé en prélude au concert de dePhilarmonie à Bozar(le cours modeste a lieu le dimanche 3 avril à 20h et le concert le jeudi 7 avril à 20h).
Les choses doivent se mettre en place.

Piste de réflexion : l’écoute

L’auditeur (on ne dit pas encore amateur, on part du phénomène sonore) d’un morceau de musique est d’emblée confronté à des sons. Ces sons sont particuliers en ce qu’ils sont appelés (et considérés comme) de la musique.
L’écoute est un choix. Le choix de se mettre dans une certaine disponibilité pour aller au concert, mettre un disque, un baladeur, allumer la radio, …
Très vite, l’auditeur est confronté à un autre choix. Un choix qu’il va accepter passivement ou activement.
Passivement, c’est le choix de l’écoute d’un morceau comme fond sonore. Je mets un disque comme fond sonore et je vaque à mes occupations. Le morceau colore mon vécu (un disque plus rapide pour faire la vaisselle, plus calme pour écrire une lettre). Je ne suis pas actif vis-à-vis de l’écoute, je suis tout au plus réceptif. Enormément de moments d’écoute dans la journée d’un auditeur se passent comme ça. Cela n’empêche pas le plaisir. C’est un moment sensuel.
Activement, c’est le choix de l’écoute active ou profonde (qui engage tout mon vécu, tout mon temps, toute mon attention, …). Je me mets dans une totale disponibilité vis-à-vis du morceau. Je fais Un avec mon écoute. Je fonds mon vécu dans la durée de la musique (la durée au sens quasi bergsonien : une intro lente de 5 minutes et je dois « attendre »). On l’appellera profonde au sens où elle pénètre dans ma chair, dans mon corps (voir l’intervention de Juliette). C’est le parti-pris des chambres d’écoute : un temps certes limité mais intense d’écoute active. Seul compromis : la création d’un livret-support contextuel qui accompagne l’écoute, qui la balise.

Ensuite, l’auditeur (mais ici, considérant comme acquis le fait de l’écoute) devenu amateur est confronté à une autre alternative. Elle se présente comme un autre choix, très abstrait : l’amateur doit choisir entre l’écoute unique ou l’écoute répétée. L’écoute unique, prônée par le grand improvisateur Keith Rowe, membre du légendaire collectif AAM, se définit comme suit : il faudrait n’écouter un disque qu’une seule fois. Un peu comme un livre, je le prends, le dépose sur ma platine, je m’installe, je l’écoute dans une totale disponibilité (écoute profonde) et puis je le range pour toujours (ou je le réécoute dans une dizaine d’années, comme un livre que je prends plaisir à relire). Il va de soi que personne (ou presque) ne fait cela. C’est une position abstraite, conceptuelle. Un modèle. Une hypothèse. Personnellement, je la garde toujours en tête pour me souvenir du moment que l’écoute peut être.

Le cours modeste se situe à la lisière, entre les deux. Il entend préparer l’amateur à ce moment (le concert) tout en le sensibilisant à l’écoute comme moment singulier.


La musique et les émotions

Britten 1913-1976

Le concert de dePhilarmonie commencera à 20h (après une introduction de type savante à 19h30) par les Four Sea Interludes de Benjamin Britten. Ces pièces sont extraites de l’opéra Peter Grimes. Britten les a faites aussi exister à part entière comme Opus 33 a (voir glossaire pour la notion d’Opus).
Dawn, Sunday Morning, Moonlight et Storm sont les titres. On écoutera Storm. Ensemble. On se fixera comme but (un but d’écoute, bâtardisation utilitariste mais bon…) de se pencher sur nos émotions (idem pour les extraits des deux autres compositeurs). Une tempête, donc. Ecoutons-la et transcrivons sur papier les émotions que cela suscite (nous sommes dans l’écoute attentive, encore unique pour certains).
Britten est un homme de la côte. Il est né dans un petit village au bord de l’eau. Cet élément a eu une immense influence sur sa production et plus particulièrement sur la création de son premier opéra Peter Grimes (l’histoire d’un pêcheur accusé d’avoir causé la mort d’un des ses marins, un jeune apprenti).
Voici la petite histoire (de la création de Peter Grimes) : Britten est aux USA avec son amant, le chanteur Peter Pears. En Europe, la seconde guerre mondiale fait rage. Dans un journal, il tombe sur la poésie de Georges Crabbe (plus particulièrement le poème The Borough) qui parle de ces côtes anglaises qui fascinent tant Britten (il faut dire que les deux hommes viennent du même coin). Le poème The Borough parle de Peter Grimes (l’homme) et ,en le lisant, Britten va se rendre compte que son séjour aux USA doit prendre fin (il comptait s’y établir) : il dira dans une lettre : « J’ai soudain réalisé d’où je venais et ce qui me manquait (…) J’étais ici sans racines ».[1]
La mer, l’influence de la littérature (on ne compte pas les pièces de Britten basées sur des écrits ou les collaborations directes avec des auteurs, W. H. Auden, pour ne citer que le plus fidèle). Mort à Venise de Thomas Mann, le Tour d’écrou de Henry James … La liste est longue. Britten associe souvent sa musique aux mots. Il n’est pas un compositeur qui choisit la formule abstraite de la symphonie. Il mêle deux codes (la musique et les mots).
Personnellement, j’ai écouté plus de 25 fois l’ entièreté de l’opéra Peter Grimes en un mois (cela faisait partie de mes stratégies pour acheter moins de disques : j’en savourais un chaque jour durant un mois), j’ai écouté en concert (Ars Musica il y a un ou deux ans) les Four Sea Interludes. Je ne suis donc pas neutre devant ce morceau…Enfin, nous sommes allés à Cologne à la Philarmonie pour écouter « The Young Person’s Guide To The Orchestra, op. 34 » dans une version « scolaire » pour un public de 300 élèves.

Barber 1910-1981

A peu de choses près, Samuel Barber est un contemporain de Britten. Je ne le connais que très peu. J’ai commencé à l’écouter il y a trois mois en vue de la création de ce cours modeste. En compulsant certains de mes ouvrages[2], on peut se rendre compte que ce compositeur traîne une réputation de sagesse, limite tiédeur. Est-ce justifié ? Le temps nous le dira. Peut-être son œuvre reste-t-elle à découvrir, à analyser, à étudier ? J’ai l’un ou l’autre vieux dictionnaire de musique contemporaine et certains des grands noms actuels ((Morton Feldman par exemple) n’ont que de brèves notices.
Le Violin Concerto Opus 14 (Voir le glossaire pour la notion de Concerto) est une commande de Samuel Fels (fabriquant de savon et mécène) pour son fils adoptif Iso Briselli. Voici ce qu’on trouve dans le livret du CD : « L’histoire maintes fois relatée de cette commande est la suivante : après avoir composé les deux premiers mouvements en Suisse, Barber s’entendit  finalement dire qu’ils étaient trop simples et pas assez brillants pour un concerto. Il poursuivit son travail et livra un final virtuose que le jeune prodige déclara immédiatement injouable. » En 1941 (date de la création du Peter Grimes de Britten), il sera quand même présenté à Philadelphie. Cette petite anecdote illustre bien le travail de Barber : sa création est guidée par un manque de reconnaissance. Même si le compositeur avait commencé sa carrière avec un magnifique Adagio For Strings qui fera le tour du monde.

Ravel 1875-1937

Le dernier compositeur de cette soirée est le plus ancien. C’est le père (avec Debussy) d’une certaine entrée dans la modernité musicale et d’une certaine école française. On va se pencher sur La Valse, poème chorégraphique. Ravel voyait cet opus comme « une sorte d’apothéose de la valse viennoise avec l’impression d’un tourbillon fantastique et fatal ». La notice parle de cette valse comme de « l’essence même de la valse viennoise (mais) reportée sur une toile orchestrale ». J’aime tout particulièrement la longue intro à cette valse qui semble avoir été captée dans la pièce d’à côté, créant une sorte de flou. Cela perturbe l’écoute.

Glossaire[3]

Concerto. Genre musical faisant dialoguer un soliste instrumental (plus rarement 2 ou 3) avec une formation instrumentale ou un orchestre, et les confrontant de manière à mettre en valeur l’expression et la virtuosité du ou des solistes, avec des périodes en solo où ceux-ci font briller leurs ressources.

Opus (lat. « œuvre »). Souvent abrégé en « op. », suivi d’un numéro, désigne un ouvrage (ou un ensemble d’ouvrage d’un même auteur) dans son ordre de publication, qui ne correspond pas nécéssairement à l’ordre chronologique de sa composition. Et il n’est pas rare que le numéro d’opus, consacré par l’usage, s’impose comme un véritable titre (exemple : l’opus 111 de Beethoven). C’est à la fin du XVIIIiè siècle, alors que les éditeurs commençaient à jouer un rôle prépondérant dans la diffusion de la musique, qui ce procédé de classement a pris naissance.


[1] Oliver M., Benjamin Britten, London, 1996.
[2] J’ai rassemblé au fil du temps une belle petite bibliographie de livres ayant trait à la musique. Particularité : j’en ai lu très peu. Les cours modestes Musique sont un prétexte pour aborder enfin ce corpus.
[3] Les notices sont tirées du Dictionnaire de la musique publié par Larousse sous la direction de Marc Vignal.

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