CM# 5 Portrait de femmes
Intro : cours modeste
Un cours modeste relève d’un travail de « création » plutôt que d’interprétation, d’invention, plutôt que d’explication.
On se donne comme contrainte un sujet, généralement l’œuvre d’un artiste, ici, 3 courts métrages, et un délai pour s’approprier ce travail, ici un mois tout en sachant que notre activité principale est d’enseigner dans une école secondaire.
Ce que nous proposons c’est ce que nous appelons la « lecture créatrice » d’une œuvre.
La lecture créatrice c’est un peu notre méthode pour nos cours à l’école mais aussi pour nos « cours modestes ». Cette idée d’aller-retour entre notre pratique enseignante et nos activités au sein de RED est fondamentale, l’une alimentant les autres et vice versa.
On s’est inspiré de 3 auteurs pour développer cette « lecture créatrice », Alain Bergala, Vladimir Nabokov et Joseph Beuys. Bergala dans son livre l’Hypothèse cinéma (livre sur lequel je reviendrai tout à l’heure) parle de la pratique du cinéma à l’école, il nous invite à toujours remettre le film étudié dans le contexte de sa création. C'est-à-dire que par des efforts d’imagination et de logique on fasse remonter le film jusqu’au moment où l’artiste a pris ses décisions (on vous proposera un exercice dans ce sens toute à l’heure). Vladimir Nabokov, dans ses cours de littérature[1], invite ses étudiants à être de « bons lecteurs » c’est à dire des lecteurs actifs et créatifs qui, tout comme l’artiste qui a fait appel à son imagination pour créer son livre, fassent eux aussi appel à ce qu’il nomme « l’imagination impersonnelle[2] ou le plaisir artistique ». Enfin, Joseph Beuys, en formulant l’idée de la « plastique sociale », permet de penser le groupe scolaire comme une sculpture en acte : sera artiste l’élève qui trouve matière à se re-singulariser dans la classe scolaire.[3] Comment ? En étant également co-créateur des œuvres qui lui sont proposées.
Pour ce cours modeste-ci nous avons, Axel, Marie et moi, fait la lecture créatrice de ce trio de films regroupés sous la thématique de Portrait de femmes.
Cette démarche se veut modeste car intuitive et non érudite, elle se présente comme un bricolage (dans le sens d’un assemblage précaire), plutôt que comme un objet fini. Nous vous présentons ici un processus de connaissance, d’appropriation de savoirs, plutôt qu’un savoir établi. Ce que nous vous montrons c’est la mise en texte des pérégrinations suscitées par la vision de ces films. Ce sont ces connexions que nous avons établies entre les propositions des cinéastes et nos lectures aussi bien de textes que d’images. Nous ferons en effet références à des oeuvres littéraires ou philosophiques, à des peintures, des photos, des extraits de films, et aussi à un fragment de pièce théâtre de gestes…
Notre proposition relève donc d’un travail de montage à partir d’œuvres existantes un peu à la manière de ces 3 cinéastes qui font des films (entre documentaire et fiction) qui s’articulent autour d’images d’archives et qui crée par là même de la mémoire…L’artiste de référence en la matière étant sans doute Chris Marker, véritable maître dans l’art d’interroger les images, dans l’art de créer de la mémoire à partir d’archives, d’extraits de films de fiction, de documentaires, d’interview…La mémoire, qui elle-même, est monteuse par excellence car elle agence des éléments hétérogènes, elle creuse des failles dans le continu de l’histoire pour créer de nouvelles circulations. Voilà exactement l’ambition d’un cours modestes : interroger une vision, se demander ce que je vois dans ce que je ne vois pas et ce que je ne vois pas dans ce que je vois.
Le fil rouge du cours qui vous paraitra sans doute un peu décousu c’est la figure de la femme esseulée, marquée par l’absence et qui existe/résiste au travers de gestes comme autant de survivances, c'est-à-dire de formes qu’on retrouverait à travers les différentes époques de l’histoire.
On commencera par un dialogue entre Marie et Axel qui, à partir de ce qu’ils ont perçu des films, proposeront toute une série de connexions possibles avec l’histoire de l’art.
Puis, nous poursuivrons ce travail de montage en associant à ces premières pistes de réflexions, la vision créatrice (c'est-à-dire active ou participative) de deux extraits de films. Nous terminerons par vous présenter le travail de mise en scène d’un fragment de pièce de théâtre de gestes réalisé par des élèves d’une de nos classes. Si le sujet même de la pièce illustre le fil rouge que nous avons choisi pour ce cours, ce fragment serait comme la pièce finale et provisoire de notre jeu de domino.
è Axel et Marie
è Vision créatrice d’extraits de films et de frgaments de pièce de théâtre : Jeanne Dieleman, 18 quai du commerce, de Chantal Akerman / Galerie de Portrait de Marie André (deux femmes, deux réalisatrices belges) /Fragment de Concert à la carte de Kroetz par les élèves de 4è à Ste Marie
Jean Renoir a écrit dans ses Entretiens et propos, 1979[i]
« Pour aimer un tableau, il faut être un peintre en puissance, sinon on ne peut pas l’aimer ; et en réalité, pour aimer un film il faut être un cinéaste en puissance ; il faut se dire : mais moi j’aurais fais comme ça, comme ci ; il faut soi-même faire des films, peut-être seulement dans son imagination, mais il faut les faire, sinon on n’est pas digne d’aller au cinéma. »
Et Bergala : « Le spectateur qui regarde quelque chose sur un écran a du mal à imaginer qu’il y aurait pu avoir autre chose que ce qu’il voit.. » .
Nous vous proposons, par cet exercice, d’être co-créateur des oeuvres d’art présentées plutôt que consommateur ou analyste.
Par un effort d’imagination et de logique nous vous invitons donc à remonter jusqu’au moment où l’artiste a pris ses décisions, moment où les choix étaient encore ouverts. (distribuer fiche de consignes)
è Lecture créatrice d’extraits de films/pièce de théâtre :
Jeanne Dieleman, 18 quai du commerce, de Chantal Akerman , 1974
Galerie de Portrait de Marie André, 1982
Concert à la carte de F.X. Kroetz, 1972
« Pour aimer un tableau, il faut être un peintre en puissance, sinon on ne peut pas l’aimer ; et en réalité, pour aimer un film il faut être un cinéaste en puissance ; il faut se dire : mais moi j’aurais fais comme ça, comme ci ; il faut soi-même faire des films, peut-être seulement dans son imagination, mais il faut les faire, sinon on n’est pas digne d’aller au cinéma. » Jean Renoir, Entretiens et propos, 1979.
« Le spectateur qui regarde quelque chose sur un écran a du mal à imaginer qu’il y aurait pu avoir autre chose que ce qu’il voit.. » A. Bergala, L’hypothèse cinéma, 2002
Consigne : Soyez co-créateurs des oeuvres d’art présentées plutôt que consommateur ou analyste. Comment ?
Par un effort d’imagination et de logique vous essayez de remonter jusqu’au moment où l’artiste a pris ses décisions, moment où les choix étaient encore ouverts tant pour les mouvements des acteurs, que pour le décor, l’ambiance sonore…
gestes objets éléments sonores
Jeanne Dielman…
Galerie de portraits
Concert à la carte
[1] Vladimir Nabokov, Littératures I/II, Fayard, 1983
[2] Celle qui nous donne envie de visualiser ce que nous lisons en opposition à l’imagination personnelle ou émotionnelle, celle qui nous fait nous identifier à ce que nous lisons.
[3] La notion de plastique sociale permet de penser cette classe comme une sculpture sociale. Celui qui se re-singularise est, alors, artiste. Le professeur n’est que l’orchestrateur de cette « œuvre ».
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