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dimanche 21 août 2011

Cours modeste #3 : Balthazar Burkhard
Intervention  Juliette
J’ai seulement envie de revenir sur trois photos que j’ai découvertes en feuilletant le catalogue de l’expo chez Tropismes, mon seul « contact » à ce jour avec le travail de BB.
Ces photos m’ont fait penser à des lectures plus ou moins récentes.
Tout d’abord, je voudrais vous parler quelques instants de Burkhard au travers de Henry D.Thoreau à qui il m’a fait penser quand j’ai vu ses photos de « feuilles » et de « pommes »…
Ensuite, à partir de ses photos de « pied » et de « main », j’ai eu envie de vous faire partager une autre lecture : à savoir « Etre crâne »de Didi Huberman sur le travail de Penone. L’artiste qui était au Mac’s juste avant BB. Je trouve que leurs univers se rencontrent, se font échos…autour des éléments de la nature qu’ils  « travaillent » tous les deux mais aussi sur cette notion de peau qui a déjà été évoquée dans les communications précédentes.
THOREAU
Plutôt connu pour son amour de la nature ou associé à la désobéissance civile, Thoreau est avant tout un écrivain, un artisant de l’écriture qui pratiquait son métier principalement dans les pages de son journal tenu de 1837 à 1871 «afin, disait-il, de recueillir le fruit de chaque jour qui passe », il menait une véritable lutte avec les mots pour leur faire exprimer d’avantage  la profondeur et l’intensité de la vie. N’est-ce pas la même « lutte » que semble mener BB avec ses photos ?
Pour Thoreau, la littérature doit instruire ou pour le moins amener le lecteur à repenser ses rapports au monde, à réapprendre à le voir. Objectif très proche de celui d’un photographe.
Celui qu’on a surnommé « le philosophe dans les bois », rêvait de se « naturaliser » par l’immersion dans la nature la plus sauvage possible. Il préconisait la marche ou comment s’éloigner pour mieux penser sa vie. Il essayait, en marchant, de se débarrasser de tout savoir préconçu afin que le regard qu’il porte sur la nature soit le plus sensible possible. Ce regard doit être entendu comme une véritable expérience physique. C’est d’ailleurs cette perception nouvelle, sans écran ni déformation, qui devait, selon lui, émanciper l’homme.
En accord avec l’exigence de bien voir le monde, il récolte une moisson d’observations précises sur des faits de nature : il décrit, détermine, classe, catalogue…exactement comme BB. Il est, lui, à la recherche du divin qui se cache dans la nature, il traque systématiquement la correspondance entre le monde physique et celui de l’esprit. Il jette un pont entre culture et nature.
« Je vis dehors par égard pour le minéral, le végétal et l’animal qui sont en moi…Ma pensée fait partie du monde et c’est pourquoi j’utilise une pratique du monde comme symbole pour exprimer ma pensée ».
J’ai associé dans des petits porte-folio à votre attention deux photos de BB à deux magnifiques textes de Thoreau : Les pommes sauvages et la photo « Pommes » d’une part, Teinte d’automne et la photo « Feuilles de hêtres » d’autre part.
PENONE
C’est encore cette photo de « feuilles » qui m’a donné envie de relire un des chapitres du livre de Didi Huberman sur Penone qui s’intitule justement « Etre feuille ». Pour Didi, Penone aurait une conscience aigue que la sculpture travaille avec des traces plutôt qu’avec des objets, que son objet serait même la trace… « Penone oeuvrerait  les traces », nous dit Didi. Par son travail le sculpteur pratiquerait une lecture (tactile) des choses. Il ya en effet, deux manières de connaître les choses : ou bien on veut le point de vue et alors il faut s’éloigner, ne pas toucher ; ou alors on veut le contact et alors l’objet de la connaissance devient une matière…On aurait tendance à mettre le photographe dans la première des approches de la connaissance que je viens de citer…et pourtant Burkhard, à l’instar d’un sculpteur, semble établir  un contact charnel avec l’objet photographié  dont il se laisse enveloppé…son acte photographique n’offre, de ce que je peux en dire, non  pas un point de vue mais bien une immersion tactile dans un « lieu ». Burkhard ou quand le photographe devient sculpteur.
Didi Huberman insiste sur le fait qu’entre soi et l’espace il n’y aurait que la peau. Elle serait  « un porte-emprunte du monde alentour qui nous sculpte, la peau comme un champ de fouille de notre propre destin ; une écriture de notre chair… »
Pour Didi, en référence au travail de Penone, être sculpture serait donc « être peau »…ce serait être « une peau capable de donner à tout ce qu’elle touche la relative pérennité de l’emprunte »…Le travail de Penone, avec sa technique du frottage,  peut dès lors  se comprendre avant tout comme un travail de « développement des formes » (développer au sens de « faire apparaitre » précise Didi)…l’art de Penone devient donc éminemment photographique. Penone ou quand le sculpture devient photographie.


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